14 juin 2010

Rafał Blechacz à Pleyel


Récital de Rafał Blechacz

Bach 
- Partita n° 1, en si bémol majeur
Mozart
- Sonate K. 570, en si bémol majeur
Debussy
- Pour le piano

Chopin
- Barcarolle op. 60, en fa dièse majeur
- Scherzo n°1 op. 20
- Trois Mazurkas op. 50
- Polonaise op. 53, en la bémol majeur


Salle Pleyel, 14 juin 2010, 20h
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Récital intéressant à Pleyel ce soir, l'occasion de découvrir là où en est, cinq ans après son sacre au Concours Chopin, où il a écrasé la compétition et surpassé tous ses concurrents (rappelons que le deuxième prix n'a pas été attribué cette année-là), ce jeune pianiste que beaucoup comparent à Zimerman - sur la seule base du concert de ce soir, on se demande bien pourquoi d'ailleurs, mis à part le fait qu'ils soient tous les deux polonais et aient reçu un premier prix à Varsovie...


Le programme est remarquablement conçu ; sa diversité et sa progression promettaient de bien belles choses. Ce sera le cas, en dépit de moments un peu ternes.

On commence par une Partita de Bach dont tous les mouvements sont appréhendés à un tempo déraisonnablement rapide ; en dépit d'une articulation digitale exemplaire, les différents plans de la partition peinent à se dégager, c'est particulièrement dommage dans la Gigue. La Sonate de Mozart séduit plus ; la profondeur quasi-romantique du mouvement lent, touche et laisse place à un jeu amusé et mutin dans l'Allegretto. Mais le véritable moment de grâce de cette première partie, c'est le Pour le piano de Debussy, dans lequel Belchacz déploie un jeu de couleurs  et de sonorités  doublé d'une puissance sonore de bon aloi.


Après l'entracte, Blechacz choisit d'alterner le pyrotechnique et l'intime, et il commence la Barcarolle op. 60, qui compte parmi les ultimes pages de Chopin, et qui incidemment est très jouée cette année à Paris. Zimerman avait opportunément choisi de la placer à la fin de ses récitals Chopin, dont nous garderons un souvenir vivace, qu'il s'agisse de celui de Pleyel - scandaleusement gâché par l'attitude indécente du public - ou de Dijon - extatique à tous points de vue ; Fou Ts'ong entamait lui aussi avec cette pièce la seconde partie de son concert mémorable au TCE. Troisième Barcarolle en quelques mois donc, et troisième vision géniale de cette pièce.


Le Scherzo est l'occasion pour Blechacz de s'en remettre à sa technique sans faille, sans pour autant en faire étalage. Ses qualités digitales sont impressionnantes, sa précision subjugue, mais tout reste au service de la Musique et jamais il ne tombe dans l'ostentation ; sa manière d'amortir le son à la fin de traits virtuoses ou son souci de ne pas sombrer dans un jeu trop percussif est à cet égard époustouflante.


Les Mazurkas se passent de commentaires. La profondeur d'un Fou Ts'ong avec en prime une maîtrise technique absolue. Là, c'est magique.


Dans la Polonaise op. 53, il aurait été facilement de tomber dans un bling bling de fort mauvais aloi. Rafał s'en garde bien, mais ne convainc pas complètement et la trame dramatique que, peut-être, il suit nous échappe.

Les rappels sont nombreux et enthousiastes ; semblant de standing ovation, même.

Pour faire retomber un peu la pression, Rafał nous offre un Nocturne op. posth. à pleurer. Tout y est, rien de trop ne vient parasiter la beauté de la chose, d'une simplicité et d'une humilité très justes. Le public a même le bon goût de laisser s'évanouir la dernière note avant de reprendre ses hourras frénétiques...

En second rappel, le Scherzo Allegretto de la deuxième Sonate de Beethoven... Et là, patatras, l'accentuation au choix folklorique ou vulgaire - en tout cas en rien fidèle à la partition - sur laquelle l'interprétation du premier thème est fondée désarçonne un peu, le Trio est en revanche plus réussi. Dommage, c'est à la toute fin que Blechacz tombe dans le travers qu'on avait pris plaisir à ne pas trop subir ce soir. C'est la fin du concert, le plaisir pour la star de jouer ces quelques traits avec nonchalance est évident, celui du public à accueillir ce second "bis" aussi. Mais bon, nous préférerons oublier ces deux dernières minutes pour retenir les deux premières heures, passionnantes, elles.
 

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