2 juin 2010

Stéphane Bullion, danseur Étoile

 
À l'occasion de sa nomination comme danseur Étoile à l'issue de la dernière représentation de cette Bayadère 2010, un petit mot sur Stéphane Bullion, que nous estimons tant.

Depuis cette soirée du 15 mars 2007,  où nous découvrions Proust ou les intermittences du cœur et où le Combat des anges Morel-Bullion vs. Saint Loup-Ganio était sidérant de beauté, Stéphane Bullion était peu à peu devenu l'une des figures masculines les plus passionnantes à suivre au sein de la compagnie parisienne, d'autant qu'il a eu l'heur d'être très généreusement distribué, dans un large panel de genres chorégraphiques.

Rares sont les productions dans lesquelles il ait été distribué et que nous n'ayons pas vues, et il est frappant de mesurer l'importance qu'attache ce danseur au sens qu'il cherche et essaie de donner à ses rôles. La mélancolie qu'il dégage, son côté rêveur et profond ne neutralisent pas complètement toute démonstration d'espièglerie voire d'inconvenance de bon aloi, lorsqu'il juge la chose appropriée.

Un sacre sur une production de Noureev est une heureuse chose pour lui, en particulier sur le rôle de Solor, qui lui a idéalement permis de faire ressortir l'ensemble de sa palette interprétative. Gageons que sa plastique ahurissante de beauté, qu'il sait mettre au service d'une conception fouillée de ses rôles, lui permettra d'aborder, après Albrecht, Jean de Brienne (son Abderam a toutefois plus marqués les esprits...) ou Solor, les autres grands rôles de "Princes"du répertoire.

Cette nomination était espérée depuis bien longtemps, tant Bullion a marqué de sa profondeur un nombre impressionant de rôles, singulièrement ces deux dernières années. Cela étant, elle intervient certainement à un moment idéal de l'épanouissement artistique de Bullion, qui a pu largement mûrir sa personnalité avant son accession à ce titre considéré comme suprême.
Il est rare, surtout ces derniers temps, qu'une nomination intervienne de manière si judicieuse dans le parcours artistique d'un danseur et dans le lien particulier qu'il crée avec le public (c'est du reste une différence entre un artiste comme lui et un danseur comme Mathias Heymann : lors de la représentation du 29 mai en matinée, le public applaudissait à tout rompre pendant les variations de Mathias, il est vrai dingues de virtuosité ; le soir en revanche, le public se montrait beaucoup plus timide dans ses réactions pendant le spectacle, et ce n'est qu'à la fin que les ovations ont fusé, se prolongeant en rappels nombreux, comme si le public émergeait peu à peu, à l'issue d'un moment pendant lequel il était suspendu par la grâce de ce qui se passait sur scène, sommet d'émotion, de sensualité, d'incandescence, nous l'avons déjà largement développé).

De la soirée du 29 mai, nous étions sorti avec l'impression d'avoir assisté à une représentation magique, rare, à quelque chose d'exceptionnel ; hasard ou coïncidence, la Dame aux camélias du 11 juillet 2008 et la Giselle du 28 septembre 2009, qu'il avait données avec Isabelle Ciaravola, font également partie de ces spectacles inoubliables. Quel dommage du reste que, dans un cas comme dans l'autre, ils n'aient eu droit qu'à une seule représentation ensemble...
Si on ajoute à cela qu'il est très peu blessé, en dépit de la distribution généreuse dont il bénéficie, disons que voilà une superbe Étoile masculine pour le ballet de l'Opéra de Paris, et une Étoile bien moins contestable que d'autres.

À la faveur de l'annulation du concert que devait donner Maestro Abbado à la salle Pleyel ce soir-là, nous nous précipiterons à Bastille le 11 juin prochain, pour l'entrée au répertoire de Kaguyahime, où Stéphane Bullion interprétera Mikado aux côtés de Marie-Agnès Gillot.


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